Kinésithérapeute, sportif et malvoyant
Atteint de déficience visuelle depuis sa naissance, Mehdi Madoui a fait de son handicap une force. D’abord ingénieur, il est aujourd’hui kinésithérapeute à la Clinique du Bourget (Ramsay Santé), située au Bourget (Seine-Saint-Denis), et pratique le cécifoot en compétition. Portrait de ce jeune passionné bien décidé à transmettre à ses patients le goût de la persévérance et de l’effort.
Comment vous est venue l’envie de devenir kinésithérapeute ?
Je fais partie de l’association Valentin Haüy qui est engagée dans l’inclusion sociale et professionnelle des personnes non-voyantes et malvoyantes. Déjà joueur de cécifoot au sein de leur équipe depuis 2006, et ingénieur de formation, j’ai eu l’envie il y a quelques années de changer de vie et de m’orienter vers la kinésithérapie, un métier d’action porteur de sens, que plusieurs de mes coéquipiers exerçaient. C’est donc grâce à cette association et à son Centre de formation et de rééducation professionnel (CFRP) que j’ai intégré l’école de kinésithérapie spécialisée pour les personnes malvoyantes et non-voyantes.
Après l’obtention de mon diplôme en 2020, j’ai rejoint la Clinique du Bourget, un établissement de renom spécialisé dans la prise en charge rééducative des maladies neurologiques telles que l'AVC, les traumatismes crâniens et les lésions de la moelle épinière.
Vous pratiquez le cécifoot en compétition, un sport adapté à votre handicap. Pouvez-vous nous en parler ? Comment arrivez-vous à allier votre passion et votre profession ?
En effet, en plus de mon métier de kinésithérapeute, je pratique le cécifoot depuis plus de quinze ans, football pour déficients visuels qui se joue à cinq. Le principe de cette discipline reste celui du football, nous suivons les règles de la Fifa. Mais nous bénéficions d’aménagements spécifiques adaptés à notre handicap ; tels que les dimensions du terrain et d’autres axées sur le gardien pour que ce dernier n’ait pas une influence trop importante sur le jeu.
Mon quotidien n’est pas de tout repos, je jongle entre les consultations à la Clinique, le sport sur mon temps de pause, les entraînements en équipe un soir par semaine, les compétitions quatre week-ends par an, et mon rôle de papa. Cela me demande une certaine organisation, le rythme est dense, mais je vis tout cela avec passion.
Comment votre casquette de sportif de haut niveau vous aide dans votre métier de kiné et réciproquement ? Être malvoyant vous a-t-il donné une prédisposition pour l'exercice de ce métier ?
Je pense incontestablement qu’être moi-même porteur d’un handicap a facilité mon rapport aux autres et a nourri ma sensibilité à l’entraide.
Par mon métier et ma pratique du sport en compétition, je m’efforce de transmettre à mes patients qui souffrent de maladies neurologiques ou encore d’amputations – et dont la rééducation est assez lourde – une certaine forme de persévérance et le goût de l’entraînement et de l’effort. Je veux les pousser à récupérer leurs capacités fonctionnelles, à leur redonner confiance en eux, pour les amener à reprendre des réflexes simples de la vie quotidienne comme se déplacer, s’habiller, manger ou faire leur toilette de manière autonome. C’est ce résultat qui me booste au quotidien.
Comment imaginez-vous l’avenir ?
Le cécifoot est un sport passionnant, malheureusement la catégorie dont je fais partie, celle des malvoyants, n’est pas représentée aux Jeux paralympiques. De fait, les compétitions se font plus rares tout comme les financements, et les équipes disparaissent d’année en année.
Malgré cela, je reste déterminé à mettre tout mon engagement et mon énergie au service de mes patients et de mes coéquipiers de l’association Valentin Haüy. Bien sûr, je garde espoir de voir un jour représentée notre belle discipline aux futurs Jeux paralympiques, et pouvoir peut-être représenter la France !