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Chirurgie d’affirmation de genre : comment Marina s’appuie sur son expérience pour accompagner les personnes transgenres ?
le 17/03/2025
Patiente experte à l’Hôpital Privé Jean-Mermoz, Marina Lafon accompagne les personnes transgenre dans leurs parcours. Interview.

Chirurgie d’affirmation de genre : comment Marina s’appuie sur son expérience pour accompagner les personnes transgenres ?
Marina Lafon, patiente experte titulaire d'un DIU en Accompagnement, Soins et Santé des Personnes Trans, transforme son vécu personnel de sa vaginoplastie en expertise précieuse au sein de l’Hôpital Privé Jean-Mermoz (Ramsay Santé) à Lyon. Entre accompagnement, soutien psychologique et lutte contre les discriminations, elle témoigne d'un parcours encore semé d'embûches, mais désormais mieux balisé. Rencontre avec une femme qui construit des ponts entre patients et soignants.
Un parcours personnel déterminant
« J'ai toujours ressenti ce décalage entre mon corps et mon identité, depuis l’enfance », se souvient Marina Lafon en évoquant sa dysphorie de genre. Après un long cheminement et des moments difficiles, elle a consulté une psychiatre qui a confirmé son diagnostic. « Ce moment a été très important pour moi », explique-t-elle. Ce suivi psychiatrique l'a accompagnée tout au long de son parcours, lui permettant de « ne pas perdre le fil conducteur » dans cette transition. Une démarche qu'elle recommande vivement : « Il est essentiel de prendre soin de sa santé mentale pour des opérations aussi importantes ».
Sa transition médicale a véritablement débuté en Décembre 2019, avec une première consultation chez un endocrinologue qui lui a prescrit un traitement hormonal. Marina a ensuite rencontré le Docteur Terrier, chirurgien urologue et andrologue, spécialisé en chirurgie transgenre, qui l'a opérée en juillet 2021 pour une vaginoplastie à l’Hôpital Privé Jean-Mermoz à Lyon, un établissement pionnier pour ce type d’opérations.
« À l'époque, il fallait deux ans de suivi psychiatrique et environ dix-huit mois de traitement hormonal », précise-t-elle, tout en mentionnant que les recommandations ont évolué depuis. Le suivi psychiatrique n'est plus obligatoire mais reste fortement conseillé.
De l'expérience personnelle à l'accompagnement
Alors, comment est-elle passée de patiente à accompagnatrice ? L'engagement de Marina auprès des personnes transgenres a commencé par une implication associative. « J'ai rejoint l’association Arap-Rubis avec l'objectif de mettre en place un pôle dédié aux personnes trans », raconte-t-elle. Elle a rapidement créé une permanence avec des tables rondes et des entretiens individuels.
Dans sa région, celle de Nîmes, Marina a progressivement tissé un réseau médical complet autour de sa démarche d'accompagnement. Elle a constitué une équipe pluriprofessionnelle comprenant psychologues, endocrinologues, chirurgiens, dermatologues, orthophonistes, etc. Cette connaissance approfondie du système de santé local lui permet aujourd'hui d'orienter efficacement les personnes en transition. « C'est essentiel d'établir une équipe pluriprofessionnelle de confiance pour permettre aux patients d'être entourés de professionnels qui connaissent ce type de parcours et les reçoivent avec bienveillance. »
Son parcours s'est professionnalisé avec l'obtention d'un Diplôme inter-universitaire (DIU) spécialisé dans l'accompagnement, soin et santé des personnes trans. Elle a complété cette formation par une spécialisation en prévention sexuelle et une sensibilisation à la santé mentale. « Cela ne fait pas de moi une psychothérapeute mais cela me permet de mieux comprendre les patients, notamment ceux qui ont d’autres pathologies », analyse Marina. Grâce au CHU de Nîmes, elle a également suivi une formation d'Éducation thérapeutique du patient (ETP) de 40 heures, lui permettant de collaborer avec plusieurs établissements hospitaliers français et de participer à des Réunions de concertation pluriprofessionnelle (RCP), dans lesquelles se réunissent les équipes de soignants pour échanger sur les dossiers les plus complexes.
Elle s’attache à être présente pour les patients en cas de questions, de difficultés ou lors des moments difficiles de leurs parcours. « Pour une vaginoplastie, l’hospitalisation dure neuf jours : je fais donc en sorte d'aller les voir pendant cette période qui n’est pas facile physiquement, ni psychologiquement », explique-t-elle.
Marina participe également à des études et projets de recherche pour améliorer la connaissance et la prise en charge des personnes transgenres. Elle participe notamment à l’étude E-QoL-Trans sur la qualité de vie des personnes transgenres.
L'apport unique d'une patiente experte
« Les mots ne résonnent pas pareils quand ils viennent d'une personne qui a vécu le même parcours. » Le témoignage de Marina apporte une dimension complémentaire au discours médical. Cette posture lui permet d'aborder des sujets délicats avec authenticité. « Beaucoup de patients se posent des questions sur les sensations après l'opération, ou sur les douleurs, témoigne-t-elle. Pour ma part, j'ai beaucoup souffert physiquement. Cela dépend des patientes mais il faut y être préparé. » À propos de son rôle de patiente experte, elle ajoute : « C'est un domaine qui a été négligé pendant des années, et qui se développe enfin aujourd'hui ».
Les patients experts, maillons essentiels du parcours de soin
Les patients experts apportent une dimension complémentaire dans l'écosystème de santé grâce à leur double expertise : celle de leur vécu personnel et celle acquise par diverses formations. Leur rôle est particulièrement précieux dans le cadre de parcours médicaux complexes. Ils facilitent la communication entre soignants et soignés, aident à humaniser le parcours de soins et contribuent à améliorer les pratiques médicales. Leur présence permet aux patients de se sentir mieux compris et représentés dans un système parfois intimidant.
Pour les équipes médicales, ces patients experts constituent également une ressource clé, leur offrant un retour d'expérience concret sur les soins prodigués, contribuant ainsi à l'amélioration continue des protocoles et à une meilleure compréhension des besoins.
Pour une meilleure prise en charge des personnes transgenres
Marina Lafon identifie plusieurs axes d'amélioration dans le système de santé et plaide pour une formation adaptée aux professionnels : « La plupart ne sont pas formés. Il y a donc régulièrement des lapsus ou des incompréhensions. Il faut pouvoir leur expliquer, basculer le langage, tout cela dans la bienveillance, avec beaucoup de pédagogie ». La patiente experte appelle également à développer la recherche : « Il faut faire davantage d’études sur les traitements hormonaux et leurs impacts. » Elle s'interroge notamment sur les effets indésirables de long terme et leur spécificité chez les personnes transgenres.
Aujourd'hui, Marina poursuit son travail d'accompagnement avec détermination et lucidité. « Je fais énormément de veille, je m'inquiète pour le bien-être et les droits des personnes transgenres », confie-t-elle. Et de conclure avec conviction : « Le rôle des patients experts est primordial ! ». Un engagement qu'elle enrichit au quotidien, contribuant à façonner une médecine plus attentive aux besoins spécifiques de chaque patient.